La Statue de la Liberté dominant la rue de Chazelles, gravure publiée dans The Scientific American, mai 1884 |
25 rue de Chazelles
Métro Courcelles
La tête de la statue, à l'Exposition universelle de 1878 |
L’immeuble actuel du 25 rue de Chazelles n’a franchement aucun intérêt. Une halte-souvenir s’impose néanmoins. C’est en effet ici que fut construite la statue de la Liberté éclairant le monde qui domine aujourd’hui le port de New York.
A l’époque, dans les années 1880, les lieux sont aux mains d’un architecte, Gaget, et d’un ingénieur, Gauthier. Les deux hommes ont pris la suite des ateliers Monduit fondés vers 1820 à Saint-Germain-en-Laye par Philippe Monduit et transférés rue de Chazelles par son fils Honoré en 1860. La nouvelle société Gaget Gauthier et Cie garde les mêmes spécialités : la couverture, la plomberie, la distribution d’eau dans les villes, mais aussi les travaux d’arts en plomb et en cuivre.
La maison, qui emploie 300 à 350 personnes, s’est déjà fait connaître en restaurant en 1873 la colonne Vendôme, renversée et brisée par les communards deux ans plus tôt. Mais la Liberté, la plus colossale des statues alors jamais conçues, représente un chantier bien plus spectaculaire encore.
Le projet vise à offrir aux Etats-Unis un monument destiné à marquer l’amitié franco-américaine et à célébrer le centenaire de la déclaration d’indépendance. Le sculpteur alsacien Auguste Bartholdi, déjà auteur du Lion de Belfort, imagine une immense statue de femme et repère un emplacement adéquat pour l’installer : l’île de Bedloe, à la pointe de Manhattan. Elle se trouvera ainsi "en face de l’océan et regardant la France". Les États-Unis construisent le socle, tandis que les Français se chargent de fabriquer la statue, de la transporter en pièces détachées puis de l’assembler de nouveau sur place.
Vue des ateliers avec la main tenant la torche |
A Paris, Bartholdi confie la réalisation de l’ossature en fer à l’entreprise de Gustave Eiffel. Un de ses jeunes ingénieurs, Maurice Koechlin, dessine ce pylône métallique destiné à supporter les plaques de cuivre. La maison Gaget Gauthier et Cie, elle, est responsable des étapes suivantes. Elle loue pour ce faire un terrain de 3.000 mètres carrés rue de Chazelles, juste à côté de ses ateliers. Des formes en bois y servent à marteler des feuilles de cuivre de 2,5 millimètres d’épaisseur. Celles-ci sont ensuite fixées sur le squelette de fer, et rivées les unes aux autres par un système d’écrous invisibles de l’extérieur.
L’assemblage de ce puzzle de métal dure des années, bien au-delà du centenaire de l’indépendance. La première pièce construite est le bras qui porte le flambeau. Elle est envoyée à l’Exposition de Philadelphie en 1876, puis revient en France. Surgit ensuite la tête, qui est présentée à l’Exposition universelle de Paris, dans les jardins du Champs-de-Mars, en 1878. On peut la visiter pour 5 centimes et constater le vide à l’intérieur : "la liberté n’a pas de cervelle !", persiflent certains.
Puis la haute statue émerge peu à peu des toîts de la Plaine-Monceau, et la rue de Chazelles devient l’une des promenades favorites des Parisiens. "C’est une des curiosités les plus intéressantes de Paris", s’exclame un journaliste du Temps en juillet 1883, recommandant à ses lecteurs d’aller "dès maintenant frapper au n°25 de la rue de Chazelles".
Au même moment, le chroniqueur Jules Claretie s’enthousiame : "La tête est achevée, le bras droit est fini ; à mi-corps La Liberté est sortie de terre et, l’été dernier, vingt-cinq convives ont pu tenir à l’aise et déjeuner dans son mollet droit. Le reste, le sein, les épaules, les draperies de la poitrine, est encore dans la forge mais le travail s’achève. Des doigts gigantesques, des index de près de deux mètres et demi, sont là, tout fondus, contre la muraille. On se croirait au pays de quelque féerie, dans l’usine où des nains fabriqueraient un géant de métal."
L’année suivante, l’illustre Victor Hugo lui-même gravit les deux étages intérieurs de la statue, et repart avec un fragment du monument "en souvenir de sa glorieuse visite".
A cette époque, des miniatures de la statue construite dans les ateliers de Gaget et Gauthier sont aussi vendues pour financer le projet. Selon certains, c’est de là que viendrait le mot "gadget".
Démontée en 350 pièces, transportée par bateau, remontée en quatre mois, la statue est finalement inaugurée à New York en octobre 1886. Avec dix ans de retard sur la date prévue.
Les ateliers Gaget Gauthier et Cie, quant à eux, sont passés depuis de mains en mains, repris successivement par Perignon, Vinet et Gontrand. En 1925, ces deux derniers y exploitent encore une "plomberie et cuivrerie d’art", aujourd’hui totalement disparue.
Quant à la famille Monduit, qui avait fait cavalier seul dans la fonderie après s’être séparée du duo Gaget-Gauthier, et s’était installée à quelques centaines de mètres, au 31 rue Poncelet, elle a fermé son dernier atelier en 1970.
La statue dans l'atelier de Gaget et Gauthier vers 1878 |
wasn't the statue of liberty originally destined for Egypt?
RépondreSupprimerN'etait elle pas destinée a l'egypt a l'origine? puis des intemperies politiques on changé les plans?
Regardez le documentaire sur Arte sur la statue de la liberté. Bartholdi a essayé de convaincre Ferninand de lesseps de le laisser faire construire une statue à l'entrée du canal du Suez ou de panana je ne sais plus et cela ne s'est pas fait.
SupprimerElle était destinée au canal de suez mais Bartholdi affirme que ce n'est pas une réutilisation mais une renaissance de son œuvre. Elle a d'ailleurs était modifiée pour avoir une silhouette plus universelle
SupprimerCher Monsieur,
RépondreSupprimerJe vous félicite pour votre blog, très stimulant.
Je l’ai découvert récemment, lorsque la récente émission d’Arte, consacrée à la Statue de la Liberté, a attiré mon attention sur le la rue de Chazelles, à laquelle je suis attaché pour des raisons familiales.
Ce site, riche des traces industrielles sous-jacentes au Paris que nous foulons chaque jour, est une véritable invitation à la promenade dont je vous remercie.
Bien cordialement
Thierry Braine-Bonnaire
Cher Monsieur,
RépondreSupprimerJe vous félicite pour votre blog, très stimulant.
Je l’ai découvert récemment, lorsque la récente émission d’Arte, consacrée à la Statue de la Liberté, a attiré mon attention sur le la rue de Chazelles, à laquelle je suis attaché pour des raisons familiales.
Ce site, riche des traces industrielles sous-jacentes au Paris que nous foulons chaque jour, est une véritable invitation à la promenade dont je vous remercie.
Bien cordialement
Thierry Braine-Bonnaire
Bonsoir, ces précisions, devraient être communiquées au ministère de la culture qui n'en parle pas dans sa présentation sur les réseaux sociaux.
RépondreSupprimerLouis Lemenu.
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RépondreSupprimerBonjour monsieur,
RépondreSupprimermerci pour ces informations intéressantes.
J'ai vécu rue de Chazelles de 1943 à 1962 où les ateliers de fonderie Gagnet et Gauthier existaient jusque dans le début des années 1960 avant leur remplacement par une clinique privée.
Avez-vous connu les marronniers au 27
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RépondreSupprimerMerci pour votre blog bien documenté et illustré. Photos impressionnantes ; j'ai pensé à cette statue en étudiant le monument pour l'Union Postale réalisé (1902-1909) par René de Saint-Marceaux (1845-1915) qui avait du louer un atelier à Neuilly qu'il a ouvert au public pour découvrir le globe terrestre entouré des cinq messagères. Le chantier a été gigantesque sur place, à Berne, en Suisse, mais on a oublié le sculpteur et l'histoire de ce monument, symbole pourtant d'entente et de paix. Dommage mais ce n'est pas le cas pour la Liberté et Bartholdi, tant mieux !
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