dimanche 20 janvier 2013

Les Grands moulins de Paris

Les Grands moulins en octobre 2011
43 à 59, quai Panhard-et-Levassor
5 rue Thomas Mann
Métro: Bibliothèque François-Mitterrand


Ce jour-là, la Halle aux farines accueille une journée d’études "Ellipse et Anaphore", annoncent deux affiches scotchées sur une grille. Un saisissant raccourci entre le passé industriel du lieu et son utilisation actuelle. Car oui, cette gigantesque halle a servi pendant des années à stocker la farine produite aux moulins voisins. Oui, elle abrite à présent une partie du campus de l’Université Paris VII-Denis Diderot. Oui, étudiants et enseignants y dissèquent les figures de style, les langues d’Asie orientale ou encore la philosophie des sciences (voici pour l’anaphore). Mais il a fallu pour cela des années de travaux que ces affiches passent sous silence (et voilà pour l’ellipse). 

La création des Grands Moulins de Paris remonte à la première guerre mondiale. En 1916, alors que l’approvisionnement en pain est loin d’être assuré, plusieurs grands producteurs de farine de la capitale (Boussac, Trouard-Riolle, Heurteux) s’unissent au sein d’une nouvelle société, les Grands moulins réunis. Appuyés par un quatrième minotier, Lucien Baumann, ils achètent ensemble de vastes terrains quai de la Gare, appartenant à M. Trotrot. 

Le bâtiment principal (octobre 2011)

Objectif : établir "une grande minoterie reliée au chemin de fer et à la Seine et munie d’un matériel moderne et puissant", selon le compte-rendu publié par le journal La Vérité en octobre 1916. En réalité, ils veulent bâtir rien moins que le plus grand moulin du monde !

Les travaux sont confiés à Georges Wybo, l’architecte du Printemps Haussmann, qui imagine une cathédrale de béton, revêtue d’un parement de pierre. Au cœur de cet ensemble industriel de style néo-classique, une centrale thermique alimente les machines en électricité. Malgré les difficultés et retards liés à la guerre, les Grands moulins de Paris livrent leur premier sac de farine en 1921. Le blé arrive par péniche ou par train.

L’usine parisienne n’est qu’une pièce d’un puzzle bien plus important. Au moment où les premiers grains de blé y sont moulus, la Société d’entreprise meunière qui a succédé aux Grands moulins réunis compte au total 13 installations à travers la France, à Nantes, Bordeaux, Lille, etc., capables de sortir 9.800 quintaux par jour. Un "trust colossal", très critiqué. Sa puissance vaudra à son nouveau patron, Ernest Vilgrain, de devoir s’expliquer devant les députés. La construction d’usines à grand rendement doit faire baisser le prix du pain, tout en procurant un plus grand profit aux cultivateurs, se défend ce minotier, qui a été responsable de l’approvisionnement de la France, notamment en céréales, au sein du gouvernement Clemenceau pendant la guerre.


Les Grands moulins fonctionnent à Paris pendant presque 80 ans, jusqu’en novembre 1996. La dernière entreprise industrielle du quartier, que la famille Vilgrain avait vendue quelques années auparavant au groupe Bouygues, transfère alors ses activités en banlieue, à Gennevilliers, et les travaux de réhabilitation commencent. 

La Halle aux farines (octobre 2011)

Le bâtiment principal est transformé par l’architecte Rudy Ricciotti pour accueillir une bibliothèque de 1400 places, des bureaux, etc. Tout en perçant un certain nombre d’ouvertures, notamment dans des murs aveugles, il conserve les volumes existants. 
L’usine était largement construite sur le principe de la cascade, la farine tombant d’un étage à l’autre, avec à chaque fois une étape de la transformation : purification grâce à des tamis successifs, pesage, ensachage… 
Ricciotti a supprimé certains planchers, décloisonné les lieux, mais gardé la structure verticale. Une partie du plancher d’origine en bois reste même visible, ainsi que certaines machines, à titre de témoignage. 

La halle aux farines voisine, construite vers 1950 par l’architecte Denis Honegger, a elle aussi été conservée, avec ses élégantes nefs en béton. Revue et corrigée par Nicolas Michelin, elle abrite à présent des amphithéâtres, des salles de travaux dirigés… Il y a toujours du grain à moudre !

Les Grands moulins (octobre 2011)
Les Grands moulins vus par Tardi
dans son album Brouillard au Pont de Tolbiac, d'après Léo Malet


A voir juste à côté des Grands moulins : la Sudac

2 commentaires:

  1. Je découvre tout juste votre site, via celui concernant Modiano, et je les trouve tous les deux fort intéressants. Je vais venir y fureter souvent je crois..

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