Quai de la gare, le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France (BNF) a été doté d’une "peau de verre" pour abriter ses millions de livres. A la fin du XVIIIe siècle, au même emplacement, il s’agissait déjà d’emballage en verre pour conserver des articles périssables : des vins, en l’occurrence. A cet endroit des berges de la Seine fut en effet construite juste après la Révolution une importante fabrique de bouteilles en verre.
La Verrerie de la garre, gravure signée S. Leclerc (musée Carnavalet). L'image représente la façade opposée à la Seine. |
Le terrain, qui appartenait auparavant à l’abbaye de Saint-Victor, est acquis en août 1792 par Jean-André Saget de Maker, ancien régisseur de la Verrerie Royale de Sèvres. A trente-trois ans, il fonde sur place la Verrerie de la Gare (ou de la Garre), dite aussi verrerie Saget ou verrerie de Paris, même si l’endroit dépend alors de la commune d’Ivry-sur-Seine. C’est la première implantation industrielle dans cette partie d’Ivry appelée quartier de la gare à cause de la gare fluviale qui y avait été creusée. La proximité de la Seine permet d’obtenir facilement le bois et les autres matériaux nécessaires à la fabrication du verre. Etant hors de Paris, à "une demi-lieue" de la capitale, la fabrique échappe aux taxes payées à l’octroi.
C’est semble-t-il l’architecte Jean-Louis Dorotte qui conçoit la verrerie, équipée de deux ou trois fours, avec en outre une maison de maître, des dépendances et des logements pour les ouvriers - plusieurs centaines de personnes travaillent sur place, semble-t-il. Saget construit aussi une chaussée sur l’ancien chemin de halage, afin de pouvoir accéder plus aisément aux installations.
En 1799, moins de dix ans après le démarrage, la verrerie produit quelque 50.000 bouteilles par mois. Vers la même époque, Saget fournit à son voisin d’Ivry Nicolas Appert, l’inventeur de la conserve, des bouteilles à large col pour ses essais de conserves pour la marine. La verrerie fabrique aussi du verre de vitrage, et des cloches de jardin.
Au pied de la BNF, le panneau Decaux résumant l'histoire de la Verrerie Saget |
Malade, Saget meurt en 1823. La manufacture change de propriétaire mais poursuit son activité. En 1838, la Verrerie de la gare sert même de cadre et de titre à un "drame anecdotique et populaire en trois actes" d’Antony-Béraud joué au théâtre de la Porte Saint-Antoine. Dans la dernière scène, le riche faussaire au cœur du mélodrame échappe au déshonneur d’une condamnation en se jetant dans un des fours… Le vertueux Nanteuil l'y avait clairement incité: "Vois-tu ces lieux terribles? Ils sont l'image de l'enfer qui t'appelle!"
La verrerie disparaît une dizaine d’années plus tard. Les terrains sont alors récupérés par la toute jeune Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans.
De l’ancienne fabrique, il ne reste plus rien, sinon quelques mots sur un panneau Decaux au pied des marches de la BNF. Et, bien à l’abri dans ses rayonnages, un exemplaire de La Verrerie de la gare.
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