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dimanche 30 décembre 2012

Les manufactures des Invalides

L'Hôtel des Invalides vu du ciel
(Copyright Survol-paris.com)


129 rue de Grenelle
Une page de l'antiphonaire des Invalides
Métro: La Tour-Maubourg

Le 28 septembre 1702, émoi à l’Hôtel des Invalides. Un jeune pensionnaire, Claude André, un soldat entré douze ans plus tôt après avoir eu la jambe gauche coupée à la suite d’un coup de fusil, s’énerve contre un de ses camarades. Bagarre dans l’atelier des cordonniers. Coups de bâton. La sanction ne tarde pas : voici Claude André conduit pour un an à Bicêtre, sans doute la pire prison parisienne. Quelques années auparavant, il y avait déjà passé deux ans "pour n’avoir pas obéi, s’être rebellé, fait le mutin et avoir excité ses camarades à une sédition contre ses officiers."

L’histoire de Claude André en dit long sur ce qu’était l’Hôtel des Invalides à sa création, en 1674. 

Voulu par Louis XIV afin d’accueillir les soldats invalides, c’était à la fois un hôpital, une caserne, un couvent, un hospice pour vieux officiers désargentés et… un ensemble de manufactures. Sur place, notamment au troisième étage de l’hôtel, on fabriquait des chaussures dans l’atelier des cordonniers, mais aussi des uniformes, des bas, des rubans ou encore des tentures et tapisseries.

Une autre manufacture, la plus renommée, était l’atelier de calligraphie et d’enluminure de livres religieux. Lors d’une visite en 1682, le roi-Soleil avait été frappé par la dextérité des hommes qui oeuvraient là, et leur avait commandé un recueil et chants liturgiques pour la chapelle de Versailles. Il reçut quelques temps plus tard un superbe "antiphonaire" calligraphié, illustré et enluminé de décors polychromes, puis d’autres livres tout aussi magnifiques.

En créant les ateliers, l’un des objectifs du roi et de son ministre Louvois était évidemment d’occuper ceux qui vivaient là, afin de maintenir l’ordre et le calme. Cela ne suffisait cependant pas, comme le montrent les malheurs de Claude André. Un prévôt était d’ailleurs chargé de visiter "les lieux publics comme les Manufactures et les Ateliers, où travaillent les Invalides, pour empêcher les disputes et les querelles qui pourraient survenir", indique la Description générale de l’Hostel royal des Invalides établi par Louis le Grand dans la plaine de Grenelle prés Paris, rédigée par Le Jeune de Boulencourt en 1683.


Graffiti d'une chaussure à haut talon
sur un mur des Invalides 
Au contrôle social s’ajoutait un intérêt économique : l’activité des ateliers améliorait le budget de l’Hôtel, donc celui de l’Etat. Pour soutenir cette production, des exemptions d’impôts avait été accordées aux manufactures des Invalides. L’une des ambitions des dirigeants consistait à ce que toute l’armée soit équipée d’uniformes fabriqués aux Invalides. Ce but ne fut toutefois jamais atteint.

Les ateliers fonctionnèrent apparemment bien jusqu’à la mort de Louvois, en 1691. Ils disparurent entre 1710 et 1720.


Des graffitis de chaussures à hauts talons restent cependant visibles sur les galeries supérieures du bâtiment, dernier témoignage de la manufacture des cordonniers. 
Quant au fameux antiphonaire offert au Roi-Soleil, il est revenu aux Invalides, où il se trouve précieusement conservé à la bibliothèque du musée de l’Armée.