vendredi 2 mars 2012

L’usine Contrescarpe, boulevard de la Bastille

9 rue Biscornet (février 2012)
   "Cour d’usine. Passage interdit". Dans Paris intra muros, il n’existe plus beaucoup de panneaux de ce type - ni de cour d’usine, à vrai dire. Raison de plus pour transgresser l’interdit, et, si la porte est ouverte, découvrir ce passage qui donne d’un côté 9, rue Biscornet, de l’autre, 36 boulevard de la Bastille. Entre les deux, l’usine Contrescarpe. Son nom même est un témoignage d’une autre époque : jusqu’en 1898, le boulevard de la Bastille s’appelait boulevard de la Contrescarpe.

Cet endroit est marqué de longue date du sceau de l’industrie. Au milieu du dix-neuvième siècle, la société Planquette et Cie, sise 36 boulevard de la Contrescarpe, disposait ainsi de machines (à vapeur, probablement) produisant de la force motrice, énergie qu’elle vendait aux entreprises du quartier. Une vingtaine d’années plus tard, on trouve à la même adresse David et Damoizeau, des fabricants de chaînes en acier sans soudure pour ancres, grues, etc.., puis des industriels du ciment.

L’ensemble d’immeubles actuel date des années 1910-1915. Il est construit à l’instigation de deux hommes, Abord-Sibuet et Desveaux, sur le principe de ce que l’on appelle aujourd’hui un hôtel industriel. Acier, béton, brique rouge : avec leur architecte, Lucien Périssé, les deux entrepreneurs bâtissent autour d’une cour intérieure plusieurs bâtiments de cinq étages découpés en ateliers qu’ils proposent à la location. Cette "usine Contrescarpe" comporte une machine à vapeur produisant de l’électricité pour l’ensemble des locataires. "Bastille – Locaux industriels en ciment armé. Force motrice. 36 bd de la Bastille", résume une petite annonce passée dans "Le Matin" en 1914 pour attirer des entreprises.

La liste des premiers professionnels installés sur place donne une idée du type d’activités pratiquées, très liées au bois (le faubourg Saint-Antoine et ses spécialistes du meuble sont tout près) : tourneurs sur bois, raboteurs, scieurs… 

Au fil des ans, viendront d’autres industriels du bois (Lama), mais aussi des fabricants de pièces pour moteurs (Solavin & Christy), d’imperméables (Breyner), d’articles de confection (Eudeline et Roch), de pièces détachées pour machines à imprimerie (Baudin et Pigoury), d’appareils de TSF (Fervox) ou encore de bas (Henri Sapriel). Au début des années 1930, Sapriel paie ainsi 76,5 francs par jour ouvrable pour exploiter "l’atelier C 55, 56, 57, 58, 59, ayant façade sur cour, d’une superficie de 180 mètres carrés environ, et situé au cinquième étage de l'usine Contrescarpe". En 1931, il s’associe à un certain Georges Lévy, qui apporte trois métiers à tisser.

Aujourd’hui, cette petite industrie a laissé la place à des couturiers, des artistes peintres, des architectes, des photographes, des designers, un fabricant de backgammon (Hector Saxe), une salle de concerts-boîte de nuit (l’OPA), un restaurant mexicain... Certains sont particulièrement fidèles, à l’image de l'imprimerie Heldé, présente depuis 1933. Ou encore de Reliac, une entreprise familiale qui, depuis les années 1960, conçoit ici du petit matériel de bureau, des albums photos, des boîtes à couverts ou à thés, ou des livres de recettes. D’autres ne font que passer.

La façade rue Biscornet (février 2012)
Vue de la cour intérieure (mars 2012)
La cour vue de l'ascenseur (mars 2012)
Autre vue de la cour (mars 2012)

La façade boulevard de la Bastille (mars 2012)

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