La façade de l'ancienne usine de compteurs, rue de la Grange-aux-Belles (décembre 2011) |
Le hall du 28 rue de la Grange-aux-Belles, avec sa verrière |
Au 28, rue de la Grange-aux-Belles, franchissez l’immense porte centrale, montez les marches, et faites-vous passer pour un étudiant étranger souhaitant une bourse ou pour un DRH en quête d’aide sur la mobilité internationale. Dans le hall d’accueil d’Egide, vous pourrez ainsi admirer les structures de métal et la verrière d’ateliers disparus. Le siège de ce Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux est en effet installé dans une ancienne usine de compteurs, dont les grands traits ont été bien conservés. En particulier le hall, ainsi que les façades associant du métal riveté à des briques rouge et crème.
A la fin du dix-neuvième siècle, ce quartier était celui des compteurs. Juste à côté, au 27-31 de l’avenue Claude-Vellefaux (qui n’était alors qu’une rue), se trouvait le siège et le principal site industriel de la Compagnie pour la fabrication des compteurs et matériel d’usines à gaz. L’entreprise avait été fondée en 1877 par trois hommes, Gabriel Chamon, M. Nicolas et Anatole Foiret, désireux de fournir à une industrie du gaz alors en plein développement des compteurs, et plus largement tous les équipements possibles : régulateurs, laveurs, condenseurs, etc.
Très vite, ils ont l'habileté d’associer à leur conseil les présidents de la plupart des sociétés de distribution de gaz. "La Compagnie des compteurs a longtemps été une sorte de coopérative de consommateurs qui cherchait à satisfaire les besoins industriels de ses administrateurs clients", explique Jacques Pelpel dans son Historique de la Compagnie des compteurs. Résultat : quand les dits clients décrochent des concessions de distribution non seulement de gaz, mais d’eau et d’électricité, la Compagnie des compteurs élargit tout naturellement sa gamme aux compteurs d’eau, d’électricité et aux appareils de mesure électrique.
Pour accompagner cet essor, la Compagnie s’étend dans Paris, et au-delà. Après avoir construit en 1893-1894 l’usine de la rue Claude-Vellefaux, elle achète en 1888 les compteurs Michel et Cie, 16 et 18 boulevard de Vaugirard, et développe les ateliers qui s’y trouvent. Puis, vers 1896, elle fait l’acquisition, rue de la Grange-aux-Belles, d’immeubles mitoyens de son siège de la rue Claude-Vellefaux et y bâtit des ateliers en plusieurs étapes, de 1898 à 1919. Elle s’offre aussi des succursales qui assurent une partie de la production à Lyon, Lille, Nice, Barcelone, Bruxelles, Madrid, Copenhague, etc. En 1907, l’entreprise compte 16 usines à travers l’Europe.
Cette expansion rapide et l’absorption de certains de ses concurrents amènent la compagnie à prendre assez vite la première place sur le marché des compteurs à gaz. Une position dominante dont s’alarme "La Vie ouvrière" : "le trust de la construction des usines à gaz est fondé", écrit le journal dès décembre 1909. Sa conclusion : "il ne reste plus qu’une force capable de limiter la puissance" des trusts de ce type : "c’est la force ouvrière."
Au début des années 1920, la Compagnie migre vers la banlieue. Elle crée une énorme usine à Montrouge pour fabriquer les compteurs qui sortaient auparavant de l’avenue Claude-Vellefaux et du boulevard de Vaugirard, et y transfère son siège. Les locaux parisiens passent alors aux mains d’autres industriels. Une filiale du groupe, la Compagnie générale de construction de fours, s’installe rue de la Grange-aux-Belles, et la Soudure Autogène Française (Air Liquide) avenue Claude-Vellefaux. La Compagnie pour la fabrication des compteurs et matériel d’usines à gaz, rebaptisée Compagnie des compteurs, poursuit, elle, sa croissance. Jusqu’à compter plus de 20.000 personnes lorsqu’elle finit par être achetée par Schlumberger en 1970.
A présent, l’industrie a cédé la place. Tandis qu’Egide a récupéré la Grange-aux-Belles, c’est une école de commerce, l’Inseec, qui a pris ses quartiers dans l’ancien siège de la Compagnie, rue Claude-Vellefaux.
L'ancien siège de la Compagnie des compteurs, avenue Claude-Vellefaux (décembre 2011) |